•   Texte d'un usager de la Mauvaise Graine, potager pirate sur le campus de l'Université de Lettres, Arts et Sciences sociales de Montpellier, publié dans No Pasaran, N°79, juillet-août 2010.

    L'ouverture d'un jardin potager a parfois hanté les mouvements étudiants, particulièrement dans les moments d'occupation. Une culture de pommes de terre avait même été tentée à la fin des années 1990 à l'Université Montpellier III.

    Ils en rêvaient; on l'a fait...

    Nous avons ainsi investi un terrain délaissé à l'entrée principale du campus et l'occupons de manière illégale depuis février 2010.

    L'idée d'un potager pris avec ou sans l'autorisation des bureaucrates avait été mise sur la table à la fin du bio-forum que nous avions organisé en décembre au regard du Sommet de Copenhague.Ce qui ne fut finalement qu'une semaine de consommation militante et citoyenniste accoucha d'une vilaine petite idée: se réapproprier de façon violente l'espace du campus, vu qu'on y passe le plus clair de notre temps!

    Mais si un lieu a été ouvert, aucun collectif ne s'y superpose parfaitement, ni aucune organisation minutieuse ne le fait marcher au pas; des outils de liaison et de coordination ont été mis en place, virtuels et réels, en charge de maintenir l'ouverture du lieu toujours redondante: ce sont un blog, une mailing-list, un calendrier lunaire qui rythme notre activité, enfin un carnet où chacun consigne ce qu'il a fait, ce qu'il n'a pu finir, ce qui pourrait être fait. Quiconque peut ainsi (encore) apporter sa touche, en accord avec ce qui a été fait par d'autres auparavant. L'emplacement du potager recèle une multiplicité d'espaces, d'interstices qui invitent l'imagination à produire le lieu de manière performative. (...)

    La Mauvaise Graine, n'en déplaise, n'est pas un potager étudiant, et ce n'est pas non plus le gentil jardin du campus de Montpellier III. Nous n'avons rien à voir avec une carte postale du développement durable des campus sur laquelle l'aménité du site le disputerait au pittoresque de futurs dirigeants se salissant quelque peu les mains. C'est un jardin potager sis sur un campus, voilà tout, où s'y rencontrent étudiants, professeurs, lycéens, RSAstes, salariés, squatteurs,... C'est un acte politique enfin, comme tout jardin collectif qui se veut vivrier, puisque nous y affirmons la volonté, sinon la possibilité réelle, de s'organiser et de se prendre en charge entre individus associés, sans évaluer la participation ni compter la dépense de chacun. De multiples usages du lieu sont effectifs, sans que chaque usager les doive assumer tous: lieu de rencontre, de sieste, de lecture, d'information, d'apprentissage, d'activité, de passage, d'expérimentation, d'expression, et j'en passe.

    Multidimensionnel, mais aussi politiquement pluriel, travaillé par le conflit. Pour ce qui est de moi, j'en fais le point de départ d'une réappropriation de savoir-faire qui ont été confisqués par ceux-là qui ont intérêt à ce que les individus ne puissent produire par eux-mêmes leurs conditions d'existence. Occuper, apprendre à cultiver des végétaux et en découvrir les multiples usages – alimentaire, médicinal, sorcier,... - , multiplier ses semences et les donner autour de soi, concocter des préparations à base de plantes (extraits fermentés, décoctions,...) pour soigner d'autres plantes, tout ceci dans le cadre de territoires urbains verrouillés par les intérêts privés et les lois. D'autres que moi placent cette aventure dans une perspective révolutionnaire qui en relativise la portée: s'il s'agit d'en faire une enclave autonome dans ce monde de merde, on n'est pas loin du potager de survie. Il n'y a pas de vraie vie dans la fausse...

    Maintenant, nous devons aller plus loin si nous ne voulons pas nous endormir sur nos lauriers-sauces. En sus de la positivité auréolant tout acte de jardinage, et susceptible de grever la violence politique de notre occupation, l'administration a choisi de nous entourer de silence, mais la Mauvaise Graine est comme le fruit du concombre d'âne qui, poussant dans les décombres,explose quand on le cueille et projette ses graines à plusieurs mètres...

     

     


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